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Trois grosses semaines de travail et une nuit au deux tiers consacrée à le finaliser, c’était les deux choses qui me tournaient en boucle dans la tête alors que je fixais machinalement mon bol de café.
Il ne me restait qu’un prix à indiquer, un changement de dernière minute, imposé la veille au soir par mon partenaire commercial. Il devait me le communiquer dans le courant de la matinée et après j’en aurai fini avec ce dossier. Je m’imaginais déjà les pieds dans l’eau savourant la détente, l’instant tant attendu, un peu comme le retour du soleil après le passage d’un cyclone.


C’était aujourd’hui que je devais remettre l’offre. J’étais épuisé mais confiant comme je l’avais rarement été. Tous les indicateurs étaient au vert, notre solution était au top et nos tarifs ultra-compétitifs.

Cette journée avait tout pour bien démarré.

... Après une douche rapide, je descends allumer l’ordinateur. La machine a expresso me fait de l’œil… N’ayant jamais su résister au charme torride d’un arabica, je me laisse tenter. Et puis la nuit a été courte, mes neurones ont besoin d’un stimulant, après les sollicitations de ces derniers temps.. Je m’assois face à l’écran, prêt pour le round final. A ma gauche gît mon téléphone mobile.

Le regard hagard fixé sur le gestionnaire de messagerie qui fait valser les enveloppes entrantes, je me saisis de la boite de sucre que je garde précieusement dans mon tiroir. Je sucre, de trop aurait dit ma femme.

A moitié léthargique, comatant sur ma boîte email et ses enveloppes volantes, je m’empare de ma tasse à café quand le bureau se met à vibrer. Je sors violemment de ma torpeur, le sursaut a fait pivoter ma tasse à café mal arrimée entre deux doigts. Deux gouttes s’écrasent sur le clavier.

C’est Jacques, mon partenaire. Il faut que je décroche et dans la précipitation, j’enchaîne les gestes maladroits et de deux gouttes, c’est tout le contenu de mon café trop sucré qui se déverse sur le clavier s’immisçant comme un fantôme dans les interstices des touches… en l’espace de quelques secondes, tout le breuvage s’est évanoui, il ne reste que l’odeur de sucre caramélisé, et mon air atterré fixant sans comprendre un écran soudain devenu noir.

Le téléphone s’est arrêté de vibrer avant de reprendre de plus bel..

Je décroche fébrile, la gorge serrée.

« Oui c’est Jacques ! Ca va ? je voulais m’assurer que tu avais bien reçu mon offre ! ».

Je suis dans le brouillard, dégouté, honteux… je ne sais ni quoi faire ni quoi répondre, en quelques secondes, c’est tout mon travail qui vient d’être anéanti…

Et si seulement j’avais eu un logiciel de sauvegarde en continu, ma dernière copie sur mon disque externe remonte au mardi, soit 2 jours avant, et je n’avais à cette date fait aucun calcul.

Je me sentais d’autant plus mal, que j’avais suivi un webinaire sur la sauvegarde de données, à l’issue duquel je m’étais inscrit à la session stratégique de 30 min. Le consultant avait pris le temps de m’expliquer la différence entre une sauvegarde automatique en continu et une copie. Mais, je n’avais pas pris le temps, j’avais repoussé la souscription d’une offre à quelques dizaines d’euros par mois, une somme insignifiante par jour.

Pourquoi ? Parce que je croyais que ce genre d’incident n’arrivait qu’aux autres, aux idiots, aux étourdis, aux personnes sans conscience professionnelle mais pas à moi… Non moi, j’étais au-dessus de ces fadaises, je ne commettais pas ce genre d’erreurs. Tout au moins je le croyais, jusqu’à aujourd’hui. En à peine 5 secondes, je venais de perdre des heures de travail, sans compter les rapports que j’avais retouchés durant les semaines précédentes, et que je n’avais pas pris le temps de mettre à jour sur mes disques externes.

Pour quelle raison avais-je retardé ? Pourquoi je n’avais pas été capable de comprendre l’importance de l’automatisation, ni d’ailleurs l’importance de bénéficier des services d’un professionnel en situation de stress.

Et là, j’étais comme un c… devant mon PC. Les larmes au bord des yeux.

La fatigue avait laissé place au stress, qu’allais-je pouvoir dire à mon partenaire ? Comment j’allais lui dire que SON appel avait ruiné nos chances de gagner ?

Non, ce n’était pas son appel mais MA bêtise, il fallait être honnête. Pour économiser un euro par jour, je venais de perdre un appel d’offre à 350 000 € et j’étais incapable de réfléchir à une solution, l’adrénaline et la fatigue avaient entraîné des palpitations, je tournais en boucle comme un vieil engrenage aux dents usées, je rebootais toujours au même moment.

Ce n’est que deux jours plus tard, en réinstallant ma machine que je me suis rappelé un détail : avant de m’octroyer une heure de sommeil, la veille de ce jour fatidique, je m’étais envoyé mon document par email…

Comment avais-je pu l’oublier sous l’effet du stress ?

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